Simia, (Humboldt, 1811) (Humboldt, 1811)

Humboldt & Bonpland, 1811, Recueil D'Observations De Zoologie Et D'Anatomie Comparer, DANS L’OCEAN ATLANTIQUE, DANS L ’ lNTERIEUR DU NOUVEAU CONTINENT ET DANS L'AMER DU SUD PENDANT LES ANNEES 1799, 180 O, 1801, 1802 et 1803, Paris: Chez F. SCHOELL, pp. 302-368 : 4-1

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Simia
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SIMIA TRIVIRGATA cinerea, abdomine ex flavo rufescente, FRONTE ZONIS TRI BUS LONGITUDINALIBUS PICT A.

Corpus cinereum, pilis apice albidioribus, argenteo-mollissimis; gula, pectore, abdomineque ex luteo rufescentibus. Cauda apice nigra, villosa, corpore dimidio longior. Caput felinum. Facies pilis nigricantibus tecta. Maculae duae supra oculos albae. Oculi maximi lutei, palpebris albis. Nasus ater, linea alba longitudinali notatus. Os magnum arcuatum. Vibrissa e albae, breves. Auriculae fere nulla e. Linea dorsalis fusca, ab occipite usque ad caudam protensa. Manus interne albae. Pollices praesertim pedum distantes. Ungues omnes planiusculi.

Le poil du singe dormeur est doux et tres-agreable au toucher. J ’ai vu dans les missions du Rio Negro de petits sacs a tabac faits de la peau de ce singe; on emploie a ce m ê me usage la peau du Caparro , dont nous parlerons plus bas. Le dos du Douroucouli a un lustre argente, surtout lorsqu ’il est expose aux rayons du soleil. Quoique la tete de ce petit animal ressemble a celle d ’un chat-tigre, son corps extremement allonge a plus d ’analogie avec la forme de l'ecureuil ou de la marte. Tant qu ’on n ’a pas examine ses dents, et qu ’on n'a pas vu l'usage qu ’il fait de ses mains, dont les doigts sont tres-longs, et dont la peau interieure est tres-fine et tres-blanche, on a de la peine a croire que le Douroucouli soit un vrai singe. Il paroit meme au premier abord plus eloigne des singes que le Manaviri ( Viverra caudivolvula,) qui, par ses moeurs et par son port, tient a la fois du singe, de fours et du chien.

Le Douroucouli est le seul singe de 1’Orenoque qui dorme le jour. Cette habitude lui a aussi fait donner le nom de Mono dormilon. J ’ai observe, dans un individu male conserve vivant pendant plus de cinq mois, qu ’il s ’endormoit assez regulierement a neuf heures du matin, et qu ’il se reveilloit a sept heures du soir. Quelquefois le sommeil le prenoit des 1’aube du jour, ou des les six heures. La lumiere 1’incommodoit beaucoup. Pour dormir il se cachoit dans 1’endroit le plus sombre, derriere quelque planche, ou dans le creux d ’un arbre. Comme les ecureuils et plusieurs especes de viverres, il avoit une facilite extra ­ ordinaire a se glisser par les plus petites ouvertures. Nous favons trouve un jour dans la cage d ’un autre singe, dans laquelle il etoit entre en passant a travers des barreaux, qui n ’etoient ecartes les uns des autres que de cinq centimetres.

Si de jour on le reveille, on le trouve triste , abattu, et dans un vrai etat lethargique. Ôn remarque alors qu ’il a de la peine à ouvrir ses grandes paupieres blanches. Ses yeux qui de nuit ressemblent à des yeux de hibou, sont le jour troubles, sans eclat, et presque mourans. Le singe dormeur, dans sa position ordinaire, est assis comme un chien, le dos courbé, les qnatre mains réunies, la tete baissê et presque cachée entre les mains de devant. Il est tres-doux le jour. On peut le toucher sans en être mordu; on peut même lui ouvrir la bouche pour examiner ses dents, qui sont très-petites, et toutes réunies. Dans la machoire inferieure il n ’y a aucune distance entre les quatre dents incisives et la dent canine. Cette distance est fort petite à la machoire supérieure.

Autant ce petit animal est triste et immobile le jour, autant il est inquiet et impélueux pendant la nuit. É tant presque aveugle jusqu ’au coucher du soleil, il ne cherche sa nourriture que dans 1’obscurité. Il chasse de petits oiseaux, et surtout des insectes, A Nueva Barcellona je 1’ai garde dans la même chambre où je couchois, quoiqu ’on l ’accuse d ’arracher les yeux aux personucs qui dorment. J'ai observé seulement que de nuit il saute contre les murs, et fait un bruit extraordinaire. Il mange tous les vegetaux, il est surtout friand des bananes, de la canne à sucre, des fruits de palmiers, des ainandes du Bertholletia, et des semences du Mimosa inga. Il a une adresse particuliere à prendre des mouches; et cette occupation seule le tient quelquefois éveillé pendant 1e jour; mais, pour voir les mouches, il faut qu ’il se trouve dans un lieu peu éclairé, et que sa proic lui vienne de tres-pres. Il mange très-peu, comparativement à d ’autres singes de sa taille, par exemple au Simia sciurea et au S. cedipus. J ’ai vu qu ’il se passe quelquefois de boire pendant vingt ou trente jours.

Le Douroucouli ayant le poil assez long et lustré, les indigènes se servent de sa peau, comine nous 1’avons deja observé, pour en faire des bourses de tabac qu ’ils vendent aux moines et aux soldats qui habitent les missions du Cassiquiare et du Rio Negro. Ils surprennent quelquefois le singe en plein jour, lorsque, endormi et à demi caché dans le creux d ’un arbre, le petit animal avancc sa téte hors du trou, parlequel il s ’est glissé dans son gite. Il arrive alors que les Indiens attrapent le male et la femelle à la fois, en les saisissant par le col; car les Douroucoulis ne vivent pas par bandes comme les Alouates et les Sagoins, mais deux à deux dans une veritable monogamie.

Je ne connois aucun singe de l ’ancien continent qui ait le port et les moeurs de celui que je decris dans ce mémoire, et qui appartient à une nouvelle famille ou peut-ètre à un nouveau genre de quadrumanes, celui des Aotes . On ne pout confondre le Simia trivirgata avec le Lori du Bengale1 ( Lemur tardigradus, Lin. ), qui est dèpourvu de queue, et que le nombre de ses dents et ses oreilles éloigne de beaucoup des singes des deux mondes. Ôn pourroit plutôt etre tente de croire, d ’apres la description de M. de Buffon, que le Singe de nuit, de Cayenne, envoyé à Paris par le medecin La Borde, a quelque analogic avec le Douroucouli. « Cet animal, dit Buffon, a une tache blanche au-dessus « de ses grands yeux; un petit poil jaune pale prend au-dessous des yeux, « couvre les joues, et s ’étend sur le cou, le ventre et les faces exterieures des « jambes de derriere et de devant. La couleur jaune ou fauve pale melee de « brun foncé domine sur le corps; car les poils, qui sont d ’un brun minime (et « tres-rudes), ont 1’extremite d ’un jaune clair2. Le sommet de la t ê te a une sorte « de toupet dont les poils sont rabattus en devant et sur les côté<5s. » Mais ce Singe de nuit, de Cayenne, qui n ’existe plus dans la superbe collection du Musée d ’histoire naturelle de Paris, et le Sapajou jaune de Brisson, pedibus ex flavo rufescentibus, ne sont que des varietes du Saki ( Simia pithecia ), comme l'ont deia tres-bien observe MM. Latreille, Cuvier , Geoffroy et Audebert \

Le Père Gumilla est d ’une inexactitude extreme dans la description des productions de l'Orenoque, qu ’il ne connoit que par les rapports souvent mensongers des Indiens on des Blancs. Il parle, en deux endroits de son ouvrage 2, du Simia trivirgata : mais il dit que c ’est un animal depourvu de queue, tandis qu'elle a un tiers de plus de longueur que 1e corps entier du singe. « Les Mosr q uites, les cris continuels des Perricos ligeros ‹ (Paresseux), et 1e miaulement des chats de montagne, que les Indiens « appellent Cusicusis, ne permettent pas de fermer 1’oeil lorsqu ’on couche i<dans les bois de l'Orenoque. Le Cusicusi est de la grosseur d un chat, il n'a « point de queue, et sa laine est aussi douce que celle du castor. Il dort « tout le jour, et la nuit il saute de branche en branche pour chercher des « oiseaux et des serpens dont il se nourrit. Il cst fort doux; et lorsqu ’on « le porte dans les maisons, il ne s ’enfuit point et ne bouge pas de sa « place pendant le jour: mais la nuit venue, il ne fait que courir de coté « et d ’autre, fourrant son doigt et sa langue qui est large et mince, dans « tons les trous. Personne n ’est curieux de le tenir chez soi, car il entre dans « le lit de son maître, et visile ses narines et sa bouche. » D ’apr é s ces détails, on ne sauroit douter que Gumilla n ’ait voulu designer notre Aote.

J ’invite les naluralistes qui pourront se procurer le squelette de cet animal, à examiner plus soigneusement ses dents que je n ’ai pu le faire sur le vivant; car le Douroucouli, par ses moeurs et sa physionomie, se trouve isolé parmi les Sagoins de l ’Amerique, comme le sont le Poto ( Ursus caudivolvulus , Cuv. ou Cercolcptcs,Illig.), et Findri (Lichanotus, Illig.) parmi les Ours et les veritables Makis a six incisives inferieures.

Le Saki siflle comme les Sapajous, circonstance qui 1’eloigne beaucoup du Douroucouli. Les voyageurs qui visitent I ’Amerique meridionale, devroient nous apprendre quelle est l'espece de Singe solitaire que Stedman 3 vit a Surinam, et qui y porte le nom de Wanacoe. D ’apres le peu que cet auteur rapporte de ses moeurs, jc doute qu ’il soil identique avec le Simia Ieucocephala d ’Audebert, qui est l ’Yarque de Cayenne.

Le Simia trivirgata paroit assez difficile à apprivoiser; du moins celui que nous avons mené avec nous, tantôt dans un canot, tantôt attache sur 1e dos d'un mulet de charge, ne cessoit de mordre les personnes qui le combloient de caresses. Il jouoit tres-rarement, etant toujours occupé de lui-meme, et des moustiques qu ’il prenoit avec une adresse singulierc. Il souffletoit comme les chats, en allongeant la main avec une extreme agilite. Son cri nocturne (muh, muh) ressembloit a celui du Jaguar ou grand tigre d ’Amerique: aussi les Blancs qui visitent les missions de 1’Orenoque, 1’appellent Titi-tigre. Sa voix est d'un volume et d ’une force extraordinaires par rapport à la petitesse de sa ladle. Il a en outre deux autres cris, une espece de miaulement (e-i-aou), et un son guttural tres-desagreable (quer, quer); sa gorge enfle lorsqu'il est irrit é, et le Douroucouli ressemble alors, par son ronflement et par la position de son corps, a un chat qui se voit attaque par un chien.

Le dessin de M. Huet a ete fait sur une esquisse que j ’avois tracee sur les lieux. Le Douroucouli habite les for ê ts epaisses du Cassiquiare, celles qui avoisinent le petit village indien de 1’Esmeralda, situe an pied du Mont Duida, et les environs des cataractes de Maypures, entre Ies 2 et 5 degres de latitude boréale, à trois cents lieues des cotes de la Guiane françoise.

Kingdom

Animalia

Phylum

Chordata

Class

Mammalia

Order

Primates

Family

Aotidae

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