Scarabaeus isidis (Castelnau, 1840)

Moretto, Philippe & Deschamps, Pascal, 2023, Révision des Scarabaeus (Scarabaeus) du groupe gangeticus (Castelnau, 1840). Nouveaux statuts et nouvelles espèces (Coleoptera, Scarabaeidae, Scarabaeini), Faunitaxys 11 (14), pp. 1-27 : 8-10

Scarabaeus isidis (Castelnau, 1840)

(Fig. 3, 13, 20, 37, 46, 53 & 62)

Ateuchus isidis Castelnau, 1840: 64 .

Localité type. – « Sénégal » .

Matériel type examiné ( Fig. 25 ). – D’après Castelnau « Cet insecte se trouve en Nubie et au Sénégal; il fait partie de la collection de M. Gory, dans laquelle il se trouvait sous le nom de religiosus. » Trois exemplaires originaires de cette collection sont conservés au Musée d’Oxford. L’un d’entre eux mesure 36, 2 mm, ce qui correspond aux « 16 lig[nes] » annoncées par Castelnau (1 ligne française = 2,250 mm). Ce mâle de 36, 2 mm, disséqué ( Moretto 2015), estdésignéici comme lectotype afin de fixer la nomenclature.

Il est étiqueté comme suit:

« (étiquette porte édéage) // G(rouge, manuscrite) // Scarabaeus / isidis Cast. / J.J.E.Gillet. / det. ix.1910 // A.Gory coll. / purchased 1849-1850 / From H.L.Gory // standing over: / Scarabaeus isidis / Cast., Hope-West colln./ OX. UNI.MUS.NAT./ HIST.(OUMNH) // LECTOTYPE ♂ / Ateuchus / isidis / Castelnau, 1840 / P.Moretto det. 2015 (rouge, mi manuscrite, mi imprimée // WSD00257379 » OUMNH.

La rédaction de la provenance par Castelnau (l. c.) laisse supposer qu’il pouvait y avoir deux ou plusieurs exemplaires, et les deux autres exemplaires provenant de la collection Gory, bien que plus petits, pourraient très probablement être considérés comme appartenant à la série type, raison pour laquelle c’est un lectotype qui est désigné. C’est le Sénégal, où l’espèce est commune, qui est retenu comme localité type (Code 76A.1.4).

On trouve dans les collections du MNHN un spécimen issu de la collection Mnizech étiqueté comme type par A. Descarpentries, qui l’avait communiqué à zur Strassen pour son travail de 1961, dans lequel Descarpentries est remercié pour la communication de ce type. Il ne pouvait bien sûr s’agir du véritable type qui se trouve en réalité dans la collection Gory .

Diagnose. – 28-36,2 mm. Noir mat. Dents du clypéus étroites et aiguës. Joues largement tronquées, l’apex nettement dirigé vers l’extérieur (Fig. 13). Disque du pronotum entièrement garni de gros ou assez gros granules assez denses, bien saillants, plus gros vers l’avant, moins denses vers la base (visibles à l’oeil nu en lumière rasante); r ebord de la base du pronotum étroit, régulièrement crénelé, un peu plus épais vers le milieu (Fig. 20). Présence d’un cal à l’apex du sixième interstries élytral. Carène supéro-interne des tibias antérieurs mâles infléchie vers l’intérieur avant la quatrième dent externe, nettement avant l’apex; présence d’un net tubercule à l’intérieur de la courbe sur le côté de la carène (Fig. 53). Lame interne des tibias antérieurs du mâle (Fig. 46) étroite, dirigée vers le bas, relevée à sa base en angle obtus, la carène qui la prolonge vers la base bien visible jusqu’au denticule, et après celui-ci jusqu’à la base. Carène supéro-externe des tibias postérieurs (et donc la frange de soies qui la suit) interrompue une fois,le segment distal et le segment médian se chevauchent brièvement (Fig. 37). Brosse de soies à l’intérieur des tibias postérieurs des mâles présente.Paramères assez allongés, étroits,parallèles vus de dessus, leur apex faiblement et brièvement dilaté, dirigé obliquement vers le bas, la dilatation apicale émoussée, peu ou pas visible de dessus. Dent latérale du paramère gauche environ au tiers de la longueur, du côté de la base (Fig. 62).

Répartition géographique. – Afrique: Bénin, Burkina Faso, Égypte, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Soudan, Tchad.Péninsule arabique: Arabie Saoudite, Oman, Yémen ( Fig. 71 , 72 ).

Autre matériel examiné. – Table 1.

Commentaires. – Cette espèce occupe essentiellement les Savanes sahéliennes à Acacia et la partie nord des Savanes soudaniennes, du Sénégal ( Fig. 76 ) au Soudan, avec une extension vers le nord le long de la vallée du Nil, jusqu’en Égypte. S. isidis peut être sympatrique avec S. goryi , à la faveur de mosaïques soudano-sahéliennes, comme dans le delta du Saloum au Sénégal (Coache & al., 2015). Comme le remarquait déjà Thiollay (1982: 208) à propos du Sénégal, et qui se constate aisément sur le terrain, « … les zones biogéographiques qui se succèdent de la forêt au sahel deviennent très étroites à cette extrémité occidentale de l’Afrique, ce qui facilite un certain chevauchement des faunes… » On se trouve plutôt ici en présence d’une mosaïque complexe, parfois déroutante, de milieux souvent très anthropisés, où la perception des « zones biogéographiques » relève souvent de l’intuition. Les Scarabaeidae que l’on peut y collecter témoignent de la réalité de ces zones (Moretto & Aristophanous en préparation).

L’aire derépartitionde S.isidis occupe également les Déserts brumeux côtiers de la Péninsule Arabique, les zones boisées de montagne et les savanes de piémont du sud-ouest de la Péninsule Arabique ( Olson & al., 2001) où elle ne se différencie guère des populations sahéliennes, hormis sa taille plus petite en moyenne et même parfois très petite (23 mm pour un exemplaire d’Oman, Dhofar). L’espèce semble ainsi empiéter sur la zone paléarctique, mais le fond de faune de ces milieux

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Planche 7.

est foncièrement d’origine africaine. Plusieurs épisodes climatiques au cours du Plio-Pléistocène et de l’Holocène ont eu pour conséquence un climat plus humide sur le Sahara, qui a permis la migration d’éléments africains vers la Péninsule Arabique par la route du Sinaï.* Le dernier épisode de Sahara vert, avec des savanes de type soudanien atteignant les 20° de latitude nord, a eu lieu aux alentours de 8000-6000 A.P. alors que la Péninsule Arabique aurait conservé, en dehors des zones côtières, un climat de type sahélien ( Neumann, 1987; Lézine, 2000). La diminution de la pluviosité à partir de 6000 A.P. aurait abouti à la mise en place du Sahara actuel et du désert d’Arabie aux alentours de 4500 A.P., fermant ainsi la route du Sinaï aux éléments africains. La présence actuelle de l’espèce le long de la vallée du Nil jusqu’en Égypte, par 24° de latitude nord, bien au-delà de la zone sahélienne, suggère que cette vallée (et la crue annuelle du fleuve) ait pu jouer un rôle important dans ces transferts de faune.

Des exemplaires de S. isidis provenant d’Assouan,quise trouvent dans les collections du MNHN et du NHML, confirment la citation de S. isidis (sub. gangeticus ) d’Égypte, confins soudanais, par Alfieri (1976: 202). Sa présence actuelle dans le Sinaï ( Zídek et Pokorný, 2008: 2; Král & Bezděk, 2016: 206), où se trouvent les espèces paléarctiques S. sacer Linné, 1758 , et S. aegyptiacus Stolfa, 1938 , est peu probable.

* La seule route possible aurait été celle du Sinaï.Il semble admis que le détroit du Bab-el-Mandeb, entre Djibouti et le Yémen, soit toujours resté ouvert après le pliocène.Un climat désertique sévère couplé à de forts courants et une salinité croissante lors des épisodes de régression marine du pléistocène – pendant lesquels le détroit était notablement plus étroit – ne plaident pas pour un transfert de faune entomologique à travers ce détroit (Bailey, 2009;Abbate & Sagri,2011). La présence d’espèces apparentées, S. nepos d’un côté et S. isidis du côté opposé du Bab-el-Mandeb vient en apporter une confirmation.

Figures

Fig. 25. Ateuchus isidis Castelnau, 1840. Le lectotype et ses étiquettes.

Fig. 71. Carte de répartition des espèces de Scarabaeus du groupe gangeticus présentes hors d’Afrique.

Fig. 72. Carte de répartition des espèces de Scarabaeus du groupe gangeticus présentes en Afrique.

Fig. 76. Habitat de S. isidis: Sénégal, Diouroup, XI.2009.